2018 Ce qui arrive (Manufacture/Lausanne)

Un PROJET pour La MANUFACTURE / Janvier 2018

Notre rencontre va concerner deux domaines.
L’un concerne le subconscient comme ressource de création et l’autre la prise de notes des événements lors d’un travail au plateau.

1/

Je désire proposer à des collègues metteurs en scène la traversée de quelques exercices conçus initialement pour des acteurs.
Ce sont des aires d’expérience, aux protocoles simples. Ils permettent de croiser, d’identifier puis de développer quelques états intérieurs favorables à l’invention lorsque l’on est au plateau. Ils renvoient à la disponibilité au partenaire, mais aussi à la liberté intérieure qui s’exerce lors de connexions fugaces entre des perceptions, des affects ou lors de prises de décisions rapides quant à des actions à mener.

Ces évènements sont la plupart du temps subliminaux, c’est à dire en dessous du seuil de notre conscience. Indiscernables, ils ne sont pas facilement visités, même si ils ne sont pourtant pas inaccessibles.

J’ai élaboré ces exercices à destination des acteurs (et des danseurs) car j’étais soucieux de les préparer à l’improvisation qui est un outil crucial pour notre écriture de plateau.
La capacité de relier y est prépondérante : relier une idée avec une autre, une couleur avec un son, un objet avec un lieu, un souvenir avec un bruit. Relier est un acte de création, peut être même le principal dont on dispose. Aussi il convient d’explorer les dispositions intérieures favorisant puis permettant cet acte qui, parfois malcommode au départ, peut ensuite devenir très gratifiant. Relier c’est explorer ses possibles.

Dans notre « métier » cette capacité (utilisée dans d’autres domaines) doit essentiellement s’exercer en présence d’autrui, elle est publique dès l’origine.
C’est donc un chantier important de favoriser pour chacun(e) les conditions d’une autonomie nécessaire pour pouvoir discerner puis accueillir ces actes spontanés.
Ces actes sont aussi paradoxalement coordonnés, donc non aléatoires. Quand notre observation s’élargit on s‘aperçoit bien qu’ils se répondent parfaitement et nous parlent.

Réunir l’autonomie et la disponibilité pour autrui (le partenaire) est enfin au cœur de cette recherche. Pour l’acteur, le partenaire est une chance et non un problème. C’est par lui que tout advient des possibilités d’une situation. Il contribue à éveiller nos capacités de projections.

Ce travail passe par le langage mais aussi par des objets, ceux que nous fournissons mais aussi ceux que les participants apportent en réponse à des questions reçues au préalable. Les objets sont autant dépositaires de mémoires (familiers, investis) qu’actifs (instables, paradoxaux) car réceptacles de notre incessante activité projective. Ce flux est crucial autant pour un acteur en « écriture de plateau » que pour celui qui rencontre un texte.

L’objet a ceci de particulier (et de salutaire) qu’il est le lieu de manifestation, à l’extérieur de nous, des événements qui se passent en nous. En les fréquentant, en les manipulant, il nous est permis de relier ou de séparer voire de réassembler des données par essence peu accessibles.

Nous proposons donc à des metteurs en scène la traversée de ces recherches car les dispositions intérieures d’une personne observant de tels phénomènes sont apparentées à celles de l’acteur qui les éprouve au plateau.
Pour tous deux mêmes soucis d’ouverture, de reliures, de transpositions, entre un acteur et son premier observateur, son appui. Pour les deux le seul plan rationnel ne suffit jamais.

Photo Bruno Meyssat

2/

J’aimerais aussi aborder la question de la prise de notes au plateau.
Je proposerai une pratique qui implique la révision in-situ des événements d’une séance et le tri précoce des d’expériences, mais surtout un questionnement et un positionnement clair quant à la question touchant aux échecs et aux réussites vécus par chacun(e).

Nous partagerons une pratique de la prise de notes que nous sommes allée chercher auprès du milieu sportif (spécifiquement dans le domaine du tir).

Le milieu sportif développe des connaissances dont nos métiers peuvent profiter, même si, au départ, il est délicat de désigner et d’évaluer la performance d’un acte artistique. Pourtant, dans bien des domaines leurs réflexions sont éclairantes particulièrement pour ce qui concerne les procédures d’apprentissage, la fructification des mémoires d’actions, la préparation intérieure des athlètes en vue d’actions et d’émotions de grandes intensités.

L’entrainement au sport de haut niveau affirme aussi sa confiance aux données subconscientes de l’expérience. Au moment crucial, l’athlète accueille donc la performance plutôt qu’il ne la provoque.
(Il est de plus intéressant de rapprocher le recours aux automatismes construits propre aux sportifs en action avec notre recherche au plateau des états inducteurs de la spontanéité.

Que pouvons nous faire des expériences nombreuses, disparates et parfois emmêlées d’une répétition ou d’une journée de travail ? Comment ne pas se fier au seul hasard pour retrouver une capacité et renouer avec une réussite ? Peut-on renforcer les mémoires de réussite au lieu de les laisser disparaître ? En quoi les notions de performance et de résultat, bien différenciées pour un athlète, sont édifiantes aussi pour un acteur ?

Ensemble, nous partagerons ces questions.
Elles ont leur importance car elles s’intéressent à ce que nous faisons de nos actions quand nous ne sommes plus en action.

Bruno Meyssat- 08/05/2017- Saint Laurent d’Agny