2017 / Courtes pièces (Samuel Beckett )

Diffusion

créé le 29 juin 2017 au Cadix (69) dans notre lieu de travail.

du 15 au 25 Novembre 2017
à la MC2 (Grenoble)
les 7 et 8 Décembre 2017 au
Théâtre Jean-Vilar (Bourgoin-Jallieu)
du 25 au 30 Janvier 2019 au Théâtre de la Commune (Aubervilliers)

Distribution

Mise en scène : Bruno Meyssat

Avec
Philippe Cousin, Elisabeth Doll,
Frédéric Leidgens,
Julie Moreau et
Stépane Piveteau

Assistante à la mise en scène : M. Aubineau
Plateau et scénographie :
Pierre-Yves Boutrand et
Bruno Meyssat
Lumières : Franck Besson
Son : David Moccelin
Costumes : Robin Chemin


Spectacle produit par théâtres du Shaman en co-production avec la MC2 Grenoble, accueil studio les Subsistances Lyon

Théâtres du Shaman reçoit le soutien du ministère de la Culture et de la Communication DRAC Auvergne – Rhône-Alpes (compagnie à rayonnement national et international),
de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de la ville de Lyon

Présentation

Les dramaticules sont :
Quoi Où (1983) pour 4 hommes, Pas (1972) pour 2 femmes, Impromptu d’Ohio (1982) pour 2 hommes, Catastrophe (1982) pour 2 hommes et 1 femme, une foirade extraite de Pour finir encore (années 60).
Tous ces textes sont parus aux Éditions de Minuit.

Réaliser un spectacle composé de dramaticules écrits par Samuel Beckett à la fin de sa vie. Parvenir à une telle unité qu’ils manifestent par leur succession le songe intérieur d’un homme, ses espérances ou ses obsessions, comme les épisodes successifs, disparates et familiers d’un dormeur se retournant dans son lit.
Ce dormeur est partout dans son rêve, devenu homme ou femme, seul ou matérialisé par quatre figures. Tous et toutes le représentent et sont là pour agir les discours et intentions qui l’habitent.

Dans ce souci soigner la succession de ces textes, la manière dont ils s’engendrent l’un de l’autre. Organiser leur superposition dans la mémoire du spectateur, ce rêveur suivant, venu les écouter et les regarder.

S’attacher à toutes les conséquences de cette écriture serrée jusqu’à l’austérité mais qui, de ce fait, permet des états de correspondances et d’échos prodigieux. L’économie, par le jeu délicat et parfois drôle des ambivalences, pose ici une liberté où scintillent le sens et le son des mots.

Ces dramaticules, autant par leur formalisme que par l’habileté de l’écriture, proposent une sensation toute singulière de présent, celle des questionnements philosophiques. Par eux on touche à un point aveugle d’une représentation théâtrale. Sans personnage, sans espace, sans temps, sans désirs nommés, les figures de Beckett installent des situations fascinantes comme seules les posent les visions inégalées et autonomes de l’inconscient. Ce sont des inventions.

Les dramaticules de Samuel Beckett

Samuel Beckett est probablement le dramaturge le plus important du XX ème siècle. Il s’est tenu éloigné longtemps du théâtre comme dramaturge, puis soudain il en a élargi les potentiels tant au niveau de l’espace, du temps que de la nature de l’action. Il a proposé une place nouvelle aux spectateurs du fait de conventions qu’il a outrepassées.
Son écriture pour le théâtre n’a cessé d’évoluer. Il a eu des mots très durs au sujet de « En attendant Godot » dont il jugeait le succès surfait :

Je ne peux pas m’empêcher de penser que le succès de Godot
a été pour une bonne part le résultat d’un malentendu,
ou de divers malentendus.

(Lettre A. Schneider. 11 janvier 1956)

Dans ses dernières pièces réside l’aboutissement de ses inventions pour la scène. Et ce sont les textes qui sont le moins lus et le plus rarement montés.

Dans ces dramaticules (le mot est de lui) il rejoint un théâtre du subconscient où sont tressés des temps singuliers, parfois avec le concours de combinatoires propres aux mathématiques qu’il affectionnait. On atteint une sensation étrange de pur présent, le goût connu d’une inquiétante étrangeté.

A la fin de sa vie il a consacré une grande partie de son temps à la mise en scène et au tournage des ses pièces courtes ce qui démontre l’intérêt qu’il leur portait.

Singularités de ces dramaticules

La présentation de plusieurs formes courtes se suivant porte l’attention du public sur le montage, le passage d’une réalité l’autre chez Beckett, qui est selon nous une passion centrale de cet auteur, comme son empreinte, phénoménologue qu’il est.

Cet habitué des coqs à l’âne « brûle » sans scrupules des réalités intermédiaires de ces récits, il ne ménage pas de transitions conventionnelles. Dans ses romans aussi les événements sont relatés tels qu’ils sont perçus. Pour le lecteur ils ne sont pas remis en ordre par la raison et la norme.
Si on y porte attention, c’est bien comme cela que nous arrive le monde, mais Beckett ose le restituer sans le filtrage apaisant des liaisons admises et fastidieuses mises en place pour nous éviter l’effroi ou une confusion initiale. C’est une écriture des phénomènes, absences et failles comprises.

Dans ces pièces ultimes Beckett atteint un théâtre onirique sans user de signes insistants. On y est comme un nageur, tête juste immergée, puis la relevant, la replongeant encore, tricotant avec la surface de l’eau le visible et le non-visible, dessus-dessous…
L’auteur de Quoi Où témoigne de notre réalité comme il l’avait fait dans L’innommable et il intensifie son geste davantage dans Pas que dans Fin de partie.

Enfin, comme Beckett était bilingue il a traduit la plupart de ses textes et romans. Il l’a fait aussi pour restituer au plus juste la façon dont la parole lui venait en tête et à la main. Ces passages incessants entre son anglais natal et un français adopté (et très documenté sur ses inventions et ses étymologies les plus savantes) ont créé ce flottement, ces « jeux » si rares et si profonds de l’expression qui sont sa marque. Ce scintillement est aussi tonique, habité d’un humour tendre. Un style où tous les niveaux de langues se côtoient comme dans un relâchement des censures et de la civilité.
On entre avec lui dans une aire intermédiaire, celle où l’image est la plus nette, une Fovéa de la littérature. Un verbe propre aux surgissements de sens inédits et impensés, à saisir au vol.
Activités délicieuses du lecteur agile et du spectateur agile, son ami.

C’est curieux, la façon du temps (mais oui)
de procéder par petits paquets de choses associées.

(Lettre de S.Beckett à G. Duthuit 1er janvier 1949)
(Lettre à G. Duthuit 1er janvier 194(Lettre à G. Duthuit 1er janvier 1949)

Bruno Meyssat a abordé plusieurs fois ces textes, d’abord en anglais à Nairobi (Kenya) en 1996, puis au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis en 1998, enfin à Tokyo en 2007 dans une version franco japonaise.

Deux formats sont prévus pour ce spectacle.

Tout d’abord une version qui autorise sa présentation dans les espaces les plus improbables, au plus proche de son public, au plus loin des standards ou normes propres au théâtres conventionnels.
C’est une occasion de réaliser un théâtre « vicinal » qui puisse s’incarner et s’épanouir dans des situations radicales. Elles sont apparentée à cette étape de l’écriture de S. Beckett. Certaines situations passées d’une tournée à l’étranger de ces dramaticules (en Syrie notamment) confortent ce projet. La création de cette version est prévue dans notre lieu même de travail « Le Cadix » à Saint Laurent d’ Agny, près de Lyon, en juin 2017.

Enfin une version adaptée aux normes habituelles des salles de spectacles, plus étoffée scénographiquement.

Etna – 30 août 2016

L’épure et sa liberté

Nous revenons à l’auteur Irlandais du fait de la rigueur et de la liberté inégalées que requiert une interprétation de ses textes.
Ce paradoxe procède de l’économie de moyens dramatiques déployés dans leur écriture. Cette vision dramatique évidée de péripéties, d’anecdotes, de descriptions, laisse apparaître des situations archétypales, des mythes laïcs, presque enfantins. Leur substance s’essentialise comme un alcool fort ou un aphorisme.
Les textes de Beckett sont d’autant plus agissants que leur simplicité est le fruit d’un ajournement des soucis ici superflus de la fable. Ce qui reste des paroles, matière choisie et calcinée, agit comme une biopsie de l’inconscient. Et l’inconscient, quand il est accepté, décuple les possibles et les ressources.

La justesse et l’habileté de l’écriture transfigurent ces dialogues, au premier abord obscurs, en verbe infini que le spectateur complète de ses propres secrets, obscurités ou mélancolies.
Ces pièces courtes libres, rigoureuses et infinies se succèdent comme les photographies d’un album élaboré de longue date. Ce sont des textes, des occasions » pour “un théâtre avant le théâtre parlant” ou “bien après”. Ils se tiennent loin du figuratif.
Cette réunion de liberté et de contraintes est-elle si contradictoire ? Certes pas. Nous ressentons à leur contact la vitalité du monde pictural que Beckett fréquentait assidument. Il faut rappeler les ressources et la vitalité que lui procurait la fréquentation assidue des musées, des galeries et des peintres.
Il a passionnément défendu Bram Van Velde, et d’autres, dans leur lutte avec ces questions cruciales de représentation et de didactisme.
De ces échanges proviennent le décloisonnement de son écriture et le dépassement de quelques codes souvent surannés de l’écriture. Cette univocité, entre autres, qui souvent prédomine quoi qu’on dise.

La peinture sait en tous cas mieux que le roman, et le théâtre en particulier, agrandir son domaine des possibles, ne pas refaire indéfiniment les révolutions techniques que d’autres ont déjà tentées par le passé. Elle avance et tient mémoire de ces territoires agrandis.

De plus en plus mon langage m’apparaît comme un voile qu’il faut déchirer pour parvenir à ces choses (…) La littérature doit-elle être la seule à être laissée en arrière sur cette vieille route puante abandonnée depuis longtemps par la musique et le peinture ?

(Lettre de S.Beckett à A.Kaun. Juillet 1937)

Métaphysique

Pour qui l’observe, un plan d’eau limpide provoque un bienfait et un trouble. Il ensorcelle ce que l’on pourrait appeler nos arrière-pensées. Elles remontent à nous. Ces dramaticules le font tout autant.
Elles sont, par cela même, des textes métaphysiques. Ils traitent de la condition humaine. Elles ravivent, comme des canevas, quelques archétypes de notre condition. Là Beckett a croisé C.G Jung.

Ces textes ont aussi une portée politique car ils évoquent, cruelles comptines, l’histoire sans cesse renouvelée du mal que les hommes se font.

Ces récits se referment la plupart du temps sur une sorte d’arrêt sur image, de rapt qu’opère l’auteur sur ses personnages. Quelqu’un disparaît à la fin.
Cette manière nous laisse dans une persistance textuelle émue et propice à la méditation. Ce suspens invite son observateur à reconnaître ce qu’il vient de voir, à le titrer intimement. Nous écrivons tous les cartels de ces toiles scéniques.

Importance du montage

Ce spectacle rassemble donc plusieurs dramaticules.

Par leur choix et leur disposition dans l’ensemble, nous désirons manifester leur unité souterraine. L’un se déplie dans l’autre, l’un résonne et s’éclaire par l’autre. Ce ne sont ni la beauté ni la délicatesse seules de ces pierres qui nous motivent mais la vision du collier qu’elles forment ensemble. Ces pans de langage conquis de haute lutte par Beckett sur l’inaudible et l’invisible agissent comme des mouvements telluriques. On doit les laisser s’exprimer et s’enchaîner. Courts rêves d’une même nuit, le réveil les réunit et l’aube les regarde.

La conversion de Paul. Le Caravage

Ses drames intérieurs comprennent une, deux, trois ou quatre figures, toutes émanant du Même.
Ces actants, hommes ou femmes, le représentent, aux prises avec ses obsessions, ses souvenirs et des hypothèses d’actions. Ce dormeur est aussi représenté par l’espace et tous les objets utilisés. L’ensemble de ces réalités porte ses intentions et ses discours. En se divisant l’écrivain (ou le dormeur sa créature) permet à l’action de venir au jour, de se dire. Ce qui ne saurait arriver au moyen de la raison seule.

La conjonction de cet échappement libre du langage et de la maitrise de forme connaît chez Beckett dans un équilibre très élaboré. Il ne s’agit pas de traduire cette matière compacte mais de trouver une juste distance pour la “laisser se dire”.

La succession de ces textes, la manière dont ils s’engendrent l’un de l’autre, sont cruciales. Il faut organiser leur programme, leur souhaitable superposition dans la mémoire du spectateur à venir. Il est capital de trouver une vitesse juste où s’épanouissent ces dramaticules au sein de la partition globale. Le soin aux tempi est essentiel tout autant que leur ordre de parution .

Vertu des Intermèdes

Les intermèdes qui joignent les dramaticules choisies sont l’objet d’un grand soin. Ce sont des sas où se déposent les alluvions successives de chacun des textes. Le spectacle les traversant s’enrichit de leurs apports. Il poursuit ravivé son chemin. Comme une basse continu ils peuvent perpétuer certains thèmes discrets.

Ce spectacle réalise donc un calque de l’ensemble de ces pièces posées successivement sur notre mémoire comme elles l’ont été au fil de la soirée sur le plateau. Chaque courte pièce poursuit par ses propres moyens des enjeux récurrents et des thèmes assonants.
Telle une étoile qui, par la masse croissante de son noyau explose et entre en expansion, une voix profonde ici s’est scindée et s’est mise en répliques, fabriquant du dialogue, là où parler semblait incroyable.

Photo Bruno Meyssat

Mais comment dire cela…Il n’y a pas de pronom…
le Je, le Il, le Nous, rien ne convient…
Il faut se tenir là où il n’y a ni pronom, ni solution, ni réaction,
ni prise de position possible…
C’est ce qui rend le travail si diaboliquement difficile…
Quand on s’écoute, ce n’est pas de la littérature qu’on entend.
Samuel Beckett

Au sujet de Quoi Où

Au présent comme si nous y étions

Quoi Où est l’instantané d’un esprit aux prises avec lui-même. Il relate son effort pressant de dégager un secret fondateur. De qui ce secret ? De Bam ? Du haut-parleur ? Ce secret, est-il celui de son origine, de sa propre généalogie ? Un tourment tourné vers un fait ancien et douloureux ? Cet effort s’exerce jusqu’à l’hécatombe pour quatre figures qui se rencontrent dans un forum exigu : un rectangle de lumière de deux mètres sur trois (demande précise de l’auteur).
Bam, Bem, Bim, Bom (c’est leurs noms / Vieilles connaissances, Bim et Bom apparaissent dans une version initiale de Godot et dans Comment c’est ) procèdent, entre eux et chacun leur tour, à de brefs interrogatoires qui se poursuivent hors champ, avec cruauté. Ce qu’on ne voit pas devient le centre obsédant de cette action. L’invisible en devient le sujet. (V) un haut parleur qui porte la voix de Bam, le tortionnaire principal, commente l’action inéluctable et corrige en direct les paroles inconvenantes ou imprécises de ces quatre errants identiques, « tête basse » ou « tête haute » selon les moments de leur confrontation.


Les saisons s’égrènent, laissant, l’hiver venu, Bam et sa voix (V) face à face.

Quoi Où nous parle de ce que l’on ne peut voir, ce que l’on ne peut dire, de ce qu’on ne veut dire ni voir. La part d’ombre fonde ces personnages, ils en sont aussi l’humain carburant.
Ces chers disparus, semblables, voire consanguins, nous offrent le paysage d’une bataille intérieure, celle de toute parole véritable qui désire venir au jour.
Et en vain.

Au sujet de Pas

Qu’y-a-t-il, mère, ne te sens-tu plus toi-même ?


Un femme (May) arpente compulsivement le plateau de va et viens (un couloir de neuf pas), dialoguant avec une voix (V) celle de sa mère. May ne parle qu’immobile, face-public à droite ou à gauche de cette déambulation. Elle va rapporter, ou concevoir pour nous, une histoire étrange qui implique… une fille (Amy, anagramme de son propre nom) et sa mère (Madame Winter, l’hiver encore). Faibles et brefs sons de cloche ouvrent et referment la pièce.
Pas est peut être la plus personnelle des dramaticules de S. Beckett. Elle s’inspire de la figure impressionnante sa propre mère : May Roe Beckett (le même prénom que le personnage principal de Pas.). Nombres d’éléments de la vie intime de cette femme singulière hantent ce texte. Pourtant cette estampille privée n’entrave pas l’universalité du récit. Paradoxe captivant.
On peut avancer que toute l’œuvre de Beckett est autobiographique. Son exemplarité est d’avoir inventé le lieu où entendre et restituer ses voix.
De les avoir essorées à un tel point qu‘elles deviennent aussi notre lot, comme tout archétype qui nous concerne.
Beckett a su le faire.
Dans ce mystère laïc, l’insomnie, la maladie, l’obsession, les fantômes, sa généalogie font le siège de May. Elle arpente « cet endroit, nu aujourd’hui » telle le chariot d’une machine à écrire ou la main qui file sur la page.
Ce tressage entre mémoire objective et invention s’opère par une écriture d’une grande densité aux nombreuses didascalies. Pas se tient à la fine et essentielle frontière entre les événements d’une existence et ce dont ils sont en vérité les signes, émissaires. De cette réalité essentielle et non visible qui demeure quand on a tout enlevé.
Un indécidable de crépuscule.

Au sujet de Impromptu d’Ohio

Mon ombre te consolera

Deux hommes « aussi ressemblants que possible » découvrent ensemble un texte assis à une table. L’un lit, l’autre par des coups frappés interrompt la lecture pour réentendre la dernière phrase qu’il a entendue. A la fin, on s’aperçoit que l’image qu’ils forment tous les deux est précisément celle terminant le livre. Le texte décrit les visites d’un Lecteur qui vient consoler un Entendeur volontairement isolé.

Impromptu d’Ohio ignore “les minima littéraires” de l’écriture dramatique habituelle. Temps, espace, personnages sont non seulement indéterminés, mais encore on abouti à ce que les figures ne soient plus des entités, des entiers, mais des décimaux, des fractions de personnages. Une partie de notre travail est de clarifier le lieu où de telles choses se passent et d’en tirer toutes les conséquences.
Il existe pourtant bien « un lieu » où telles choses sont monnaie courante, où nous sommes précisément décimaux.
Ce sont ceux de l’inconscient où se brassent et se transposent les faits de nos vies. L’écriture de Beckett y a accès. Il n’a de cesse de les arpenter, surtout au soir de sa vie.
Impromptu d’Ohio est une abîme et aussi le lieu d’un miracle : faire se rejoindre puis se confondre dans le Présent du plateau et ce que nous raconte l’histoire lue par un des personnages et que nous voyons arriver à cette table. L’ultime situation scénique et la description finale du Livre sont équivalentes.

L’ Épiphanie scénique de ces deux cercles alignés est favorisée par le fait que la lecture, une action documentaire, sujette à perfections (les coups frappés sur la table) est à la fois leur unique action et le sujet principal du texte lu.
Le Lecteur et l’Entendeur se confondent-ils le texte une fois achevé ?
Le noir final suspend la réponse à cette question.

Le présent, cette sensation si recherchée au théâtre, devient comme le sujet ultime de la pièce. Comme une incarnation originale du Verbe dramatique.

Le visiteur disparaît à la fin de chaque visite car il n’est qu’on médiateur, un envoyé. Pourtant à la fin, le Lecteur demeure à la table car « on l’a prévenu qu’il ne reviendrait plus ». Que c’est donc la dernière fois ?

Tel Jésus qui se révèle aux Pèlerins d’ Emmaüs attablés avec lui et qui le reconnaissent par les gestes de la Cène. Il demeure un instant avec eux.

Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent,
puis il leur devint invisible. (Luc 24.32)

Voix séparée

Proposer au public deux versions consécutives d’un court texte (environ 2 pages) du recueil POUR FINIR ENCORE (1976).
D’une part la lecture du texte (sans actions scéniques) voire sa perception dans le noir par l’assistance.
Puis une action scénique continue : la même réalité restituée par d’autres moyens : une écriture de plateau menée avec les acteurs à partir de quelques phrases extraites du texte et le concours d’objets, de son, de lumières.
Création à partir de nos mémoires, elle emprunte la manière dont nous construisons nos spectacles face à un thème d’histoire contemporaine par exemple.
Cette séquence sera de même durée que la lecture. Elle pourrait être complètement silencieuse. Deux réalités maintenues séparées, d’abord le texte puis l’action. Pour la mémoire des spectateurs afin qu’en lui le temps les mixe, les brasse selon les réalités intimes de chacun(e).
Dans le programme de COURTES PIÈCES une dramaticule prendra donc la suite. Ce sera soit Impromptu d’Ohio soit une reprise de Quoi Où (les mêmes acteurs endossant alors un personnage différent : par exemple Bam devient Bem, Bim devient Bom, etc…).

Qu’à lever la tête / c’est la beauté/ qu’à la lever/
qu’à la / lever. Je vous embrasse, Sam
7 juillet 1980

Souper à Emmaüs par Le Caravage

PRESSE

L’insensé

Par Jérémie Majorel

16 septembre 2017

Bruno Meyssat, l’arpenteur des solitudes

Hottello

Par Véronique Hotte

Courtes pièces de Samuel Beckett, mises en
scène par Bruno Meyssat